Attention au piège de l’assurance emprunteur : la mésaventure de Pierre et Sylvie

Pierre, un menuisier indépendant prospère de 45 ans, et Sylvie, salariée dans les transports, étaient ravis d’avoir obtenu un prêt immobilier très compétitif pour agrandir leur maison. Confiants en leur bonne santé, ils n’ont pas accordé l’attention nécessaire aux détails de leur assurance emprunteur. Une erreur qui allait leur coûter cher.

Un jour, un accident grave survient : Pierre chute en vérifiant le toit de son entreprise et devient incapable de reprendre son activité. Ses assurances personnelles et sa pension de base s’avèrent dérisoires. Le couple se tourne alors vers son assurance emprunteur, espérant qu’elle prendrait en charge les 1 200 euros de mensualités.

Si l’établissement bancaire confirme la garantie « Incapacité Totale de Travail » (ITT), la déconvenue est amère. L’assureur refuse d’indemniser, invoquant une clause cruciale : l’ITT n’est activée qu’après 90 jours d’interruption continue et, surtout, exige l’incapacité d’exercer toute activité professionnelle.

Comme l’explique leur ami Jacques, le diable est dans la définition. Le contrat de Pierre stipulait une ITT « toute profession ». Bien qu’incapable d’être menuisier, l’assureur a estimé que Pierre pouvait exercer un autre emploi (de bureau, par exemple). Les clauses, jugées « claires et précises » par les tribunaux, ne laissent aucune place au doute.

Pierre et Sylvie se retrouvent ainsi sans couverture pour les remboursements de leur prêt, contraignant Pierre à envisager une reconversion. Leur mésaventure est un rappel cuisant : un taux de prêt avantageux ne doit jamais éclipser l’étude minutieuse des garanties d’assurance, en particulier la définition de l’incapacité de travail.

Droit à l’oubli : Un levier financier majeur pour l’accès au crédit (de 10 à 5 ans)

L’accès au financement bancaire, et plus particulièrement à l’assurance emprunteur, constitue un enjeu crucial pour la réalisation des projets personnels et professionnels. Une évolution législative récente et significative a un impact direct sur ce domaine : le délai du droit à l’oubli a été réduit de 10 ans à 5 ans. Cette avancée, matérialisée par la Loi Lemoine de février 2022 et effective depuis le 1er juin 2022, représente une opportunité majeure pour les clients des banques ayant un passé médical lourd.

L’Impact du Droit à l’Oubli sur l’Assurance Emprunteur

Le droit à l’oubli est un dispositif fondamental de la Convention AERAS (S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé). Il permet aux individus ayant été atteints de certaines maladies graves, telles que le cancer ou l’hépatite C, de ne plus être contraints de déclarer leur pathologie passée lors de la souscription d’une assurance de prêt. Cette non-déclaration est conditionnée par le respect de délais précis et l’absence de rechute.

Historiquement, ce délai était de 10 ans après la fin du protocole thérapeutique pour la majorité des cas, et de 5 ans uniquement pour les cancers diagnostiqués avant 21 ans. La Loi Lemoine a simplifié et uniformisé cette règle : désormais, le délai est de 5 ans pour toutes les pathologies éligibles, quel que soit l’âge du diagnostic.

Des Conditions de Crédit Optimisées

Cette réduction du délai à 5 ans a des répercussions directes et très positives sur les conditions d’emprunt :

  • Réduction des Surprimes : L’historique médical était souvent la cause de surprimes importantes sur les cotisations d’assurance, rendant le crédit plus coûteux, voire inaccessible. Le droit à l’oubli permet d’éviter ces surcoûts.
  • Absence d’Exclusion de Garantie : Les assureurs ne peuvent plus exclure certaines garanties liées à la maladie passée une fois le droit à l’oubli appliqué.
  • Accès Élargi au Crédit : En améliorant les conditions d’assurance, cette mesure facilite l’obtention de prêts immobiliers (pour l’achat d’une résidence principale, secondaire, ou un investissement locatif), de prêts professionnels (pour l’acquisition de fonds de commerce, de matériel) et de crédits à la consommation.

Les Autres Apports Bancaires de la Loi Lemoine

Au-delà du droit à l’oubli, la Loi Lemoine a renforcé le pouvoir d’achat et la liberté contractuelle des emprunteurs :

  • Résiliation Infra-Annuelle de l’Assurance Emprunteur : Les clients peuvent désormais changer d’assurance de prêt à tout moment et sans frais, sans attendre la date anniversaire de leur contrat de prêt. Cette mesure encourage la concurrence entre assureurs et permet aux emprunteurs de négocier de meilleures conditions tarifaires ou de garantie.
  • Suppression du Questionnaire de Santé : Pour les prêts immobiliers de faible montant (inférieur ou égal à 200 000 euros par assuré) et dont le remboursement intervient avant les 60 ans de l’emprunteur, le questionnaire de santé est purement et simplement supprimé. Cette disposition lève un obstacle majeur pour de nombreux profils d’emprunteurs.

En conclusion, la nouvelle ère du droit à l’oubli, couplée aux autres avancées de la Loi Lemoine, marque un tournant pour l’industrie bancaire et ses clients. Elle favorise une approche plus équitable et inclusive de l’accès au crédit, en limitant l’impact du passé médical et en renforçant la capacité des emprunteurs à optimiser leurs contrats d’assurance.

https://www.francetvinfo.fr/economie/immobilier/prets-immobiliers-que-contient-la-loi-sur-l-assurance-emprunteur-que-le-parlement-vient-d-adopter_4966662.html

https://www.vie-publique.fr/loi/282601-loi-assurance-emprunteur-credit-immobilier-cancer-questionnaire-medical

https://investir.lesechos.fr/placements/immobilier/dossiers/resiliation-annuelle-l-heure-du-bilan/resiliation-annuelle-de-l-assurance-emprunteur-l-heure-du-bilan-1833057.php